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Ramuntxo Garbisu - 10/06/2010 |eitb.com
Depuis 1997, et la révélation de la contamination radioactive de l'usine du Boucau, jusqu'à aujourd'hui et son rachat possible par la Région, la dissimulation de la réalité a bien été orchestrée.

fertiladour investigacion eitb foto 1

De 4 à 10.000 mètres cubes de terres contaminées par de la radioactivité dissimulés sous le sol de Fertiladour. Photo : EITB

Nous le réaffirmons avec ce nouvel article qui vient compléter notre investigation sur  l'ancien site industriel Fertiladour, dans la zone portuaire de Bayonne (Pays Basque nord).

A quelques jours du vote décisif du 14 juin 2010 de l'achat par la Région de ses 8 hectares, le Conseil Régional d'Aquitaine ne dispose pas aujourd'hui d'un véritable audit du site contaminé entre 1973 et 1992 par des terres radioactives.

La problématique de reconversion d'un tel site industriel peut nourrir un débat exigeant et clair, que la rédaction d'eitb.com souhaite porter à la connaissance de tous.

Seul le thorium 232 présent dans le sol de Fertiladour dispose de tout son temps : il perd la moitié de son activité radioactive tous les 14 milliards d'années......


Fertiladour est bien un "cadeau empoisonné"

Avec ce dossier sur l'ancienne usine Fertiladour au Boucau, est posé le problème d'un inventaire des années ayant succédé, à partir de février 1997, à la révélation de la contamination radioactive de ses sols par le collectif de défense de l'environnement du CADE.

Appelée au fil du temps Interfertil, puis Fertiladour, puis Reno, et aujourd'hui Agriva dans le giron du groupe Roullier basé à St Malo, cette unité de broyage d'engrais et de minerais a travaillé de 1973 à 1992 des terres rares de monazite importées du Burundi et de Madagascar.

Leurs fortes concentrations en thorium, radioactif à l'état naturel et renforcé après broyage, marquera considérablement l'empreinte géologique du site, et motivera le 9 juin 1997 un premier arrêté préfectoral contraignant l'industriel à réaliser un diagnostic initial ainsi qu'un programme de travaux d'assainissement des lieux.

S'en suivront 13 ans de procédures officielles placées sous la responsabilité de la DRIRE (Direction Régionale de l'Industrie de la Recherche et de l'Environnement) mais également de l'opposition menée par le CADE, qui en conteste aujourd'hui encore une version officielle édulcorée.

"La société a travaillé des matières premières, notamment des monazites, présentant des traces de radioactivités naturelles", peut-on lire sur un document officiel rédigé par la DRIRE à destination du Conseil Régional d'Aquitaine.

Interlocuteur central de ce dossier depuis son origine en 1997, Michel Amiel, l'inspecteur de la DRIRE chargé de la surveillance des installations industrielles du Port de Bayonne, aura choisi la même et unique réponse à toute demande d'entretien ou de précisions par notre rédaction : "Attendons que le dossier soit bouclé pour en parler".

Aujourd'hui, le temps presse, avec une cessation d'activité de Fertiladour qui doit ouvrir la porte de la reconversion industrielle du site, via un projet allemand du groupe German Pellets GmbH pour la production de granulés de bois (un investissement estimé à 35 millions d'euros)


Il n'y a rien à attendre de la future contre-expertise indépendante telle que menée aujourd'hui

Dans sa volonté d'assurer cette reconversion industrielle des terrains de Fertiladour, le Conseil Régional d'Aquitaine a donc lancé un appel d'offres en mars dernier pour choisir le candidat à une contre-étude indépendante.

Et a confié la rédaction de son cahier des charges à cet inspecteur Michel Amiel.

Pour notre rédaction, cette étape marque une inflexion contestable dans le positionnement non-contraignant, voire permissif, que l'inspecteur de la DRIRE a adopté depuis plus d'une décennie dans ce dossier Fertiladour.

Le cahier des charges de la contre-étude, que nous avons pu nous procurer, prouve à sa simple lecture que le passé radioactif du site est minimisé au point de rendre intraçable ses principaux aspects.

Plus embêtant : il est guidé à l'évidence par la volonté de ne rien trouver de compromettant dans son sous-sol.

Que cela soit en n'exigeant aucune mesure sous la couche de graviers et de scories chargée de la rendre moins perceptible, ou en ne faisant pas figurer l'obligation depuis l'arrêté préfectoral du 20 avril 2000 de surveiller une éventuelle contamination radioactive de la nappe phréatique par le thorium..

L'observation en détail de ce "bricolage" du cahier des charges prouve que les conclusions attendues satisferont sans doute le Conseil Régional, persuadé d'y lire le feu vert de son projet de reconversion du site, mais encore plus l'industriel, qui pourra enfin voir un chèque de plus de 6 millions d'euros rejoindre sa trésorerie.

Car seul l'industriel en rira lorsque les premiers travaux de fondation mettront à jour une partie des 10.000 mètres cubes de terres toujours contaminées du sous-sol de Fertiladour.

Nous le répétons au diapason de l'ensemble des associations de défense environnementale : la brise marine venue de l'Adour n'a pas réussi à faire disparaitre cette pollution équivalente à une couche de plus d'un mètre d'épaisseur sur les 8 hectares du site boucalais, malgré la méthode Coué proposée depuis une décennie par l'inspecteur de la DRIRE.

D'après nos informations, le cabinet d'études retenu serait l'Algade, de retour sur le site de Fertiladour après une étude en 2001/2002.

Largement prise en défaut par la cartographie de mars 2009, prouvant que les points chauds de radioactivité n'ont pas été résorbés "en ttous points du site", comme l'écrivait leur rapport, ce cabinet de radioprotection est, pour rappel, une filiale à 100% du groupe nucléaire Areva.

Dans l'article complémentaire "Fertiladour, un ''cadeau empoisonné" bien emballé depuis 1997", en remonter la chronologie permettra pour les plus curieux d'entre vous de constater comme nous que l'affirmation selon laquelle le site industriel serait seulement marqué par "des traces de radioactivités naturelles" est une plaisanterie qui pourrait coûter cher à la collectivité.


En avril 2010, la DRIRE "allège" le cahier des charges de la contre-étude indépendante

Lors de sa plénière du 25 juin 2009, le Conseil Régional d'Aquitaine adopte à l'unanimité un amendement défendu par les Verts quant au préalable à toute acquisition d'une contre-étude indépendante sur le site de Fertiladour.

La rédaction de son cahier des charges est confiée à la DRIRE, qui prendra le parti de minimiser le sinistre constaté par arrêté préfectoral en juin 1997, et en enlève les éléments les plus fondamentaux.

A l'attention des futurs bureaux d'étude chargés d'y répondre, apparait de fait la simple mention de "traces de radioactivités naturelles".

Rien ne le contredit en effet...

Les deux arrêtés préfectoraux de juin 1997 et d'avril 2000, les deux études sur site des cabinets d'ingéniérie de l'ANTEA en 1998 et de l'Algade en 2002, ne figurent pas en annexes dans le dossier proposé aux bureaux d'études candidats : seules deux photos aériennes leur permettront de se "rendre compte" du secteur à étudier.


Le cahier des charges ne demande pas que soit procédé à l'analyse du sous-sol

Sur le cahier des charges n'est pas renseignée la quantité de terres contaminées encore non excavées et présentes dans le sol sous une couche compactée de 30 cm de scories et de graviers.

Estimée à 3.750 mètres cube dans l'étude du bureau d'ingéniérie ANTEA de juillet 1998, l'organisme officiel de concertation du Port de Bayonne, le S3PI Estuaire de l'Adour, avait estimé de son côté à 10.000 mètres cube en décembre 1999, soit en moyenne plus d'un mètre d'épaisseur sur les 8 hectares du site.

Même si un projet d'arrêté préfectoral du 17 mai 2000 n'a pas été conduit à son terme, qui aurait soumis "tous travaux de creusement à l'accord préalable de l'OPRI" (Office de Protection contre les Rayonnements Ionisants), ce renseignement est pourtant fondamental pour savoir ce que le futur acquéreur trouvera au moment de creuser les fondations de son futur projet.

Vu la dispersion des couches contaminées visibles sur la cartographie officielle du site de mars 2009 (elle non plus, non transmise aux candidats), la simple mesure à 1 mètre du sol ne permet pas d'anticiper sur la présence de zones susceptibles d'affecter la santé des personnes qui auront à y travailler, ou de contaminer le moindre lampadaire sur un parking réalisé et le réseau électrique qui aurait à traverser le terrain.


La CRIIRAD propose gratuitement de sonder la radioactivité du sous-sol, et perd le marché


Candidat déclaré à cette contre-éude indépendante, le laboratoire indépendant d'analyse radiologique CRIIRAD précise dans sa réponse que "la connaissance du niveau de radiation au contact du sol permet de mieux apprécier les impacts radiologiques résiduels pour les futurs utilisateurs du site".

Et il va même plus loin : la CRIIRAD indique que, même en absence de cette recommandation dans le cahier des charges, elle se chargera gratuitement de faire des mesures au contact et par forages sur le site.

Mercredi 9 juin 2010, la CRIIRAD apprendra par courrier que sa candidature n'a pas été retenue.

Depuis, ce laboratoire à la renommée internationale a demandé au donneur d'ordres de la Région Aquitaine de préciser les raisons de cette éviction, exprime son désir de voir si le bureau d'études retenu procédera à des mesures au contact du sol, mais sans obtenir de réponse.


L'observation de la contamination radioactive par le thorium de la nappe phréatique a disparu

Dans le document officiel du cahier des charges, l'observation de la nappe phréatique est présentée comme nécessaire, "conformément à l'arrêté préfectoral du 20 avril 2002 prescrivant cette surveillance".

Oui, à cette différence près que, si l'observation chimique des eaux souterraines est sollicitée, celle de la contamination radioactive du thorium n'y figure plus, contrairement à l'injonction préfectorale.

Les cabinets Antea et Algade avaient établi que cette contamination ne constituait pas une "cible sensible", une opinion que ne partage pas aussi facilement le laboratoire de la CRIIRAD, qui s'est également étonné de l'absence de l'observation radiologique détaillée de la nappe phréatique....

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