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14 décembre 2017 4 14 /12 /décembre /2017 22:01


HENDAYE. Des étrangers de passage expulsés alors qu'ils ont leur billet retour en poche. C'est bon pour les quotas, pas pour l'argent public

Au centre de rétention d'Hendaye, ce type d'affaire, « c'est le quotidien », selon Laurence Hardouin. (photo bertrand lapègue)
Au centre de rétention d'Hendaye, ce type d'affaire, « c'est le quotidien », selon Laurence Hardouin. (photo bertrand lapègue)

Le ministère de l'Immigration s'est fixé un quota de 28 000 expulsions pour 2009. Pour le remplir, tous les moyens sont bons, y compris les plus étonnants. Il n'est pas rare ainsi que des étrangers en transit en France soient interpellés, placés en rétention, puis expulsés... alors qu'ils rentraient tranquillement au pays, leur billet de train (ou d'avion ou de ferry) en poche. C'est la double peine : non seulement les voilà derrière les barreaux, mais en plus ils perdent l'argent du voyage. Quand ils ne perdent pas en plus leurs bagages. Et c'est le contribuable qui règle la note tandis que le ministère peaufine ses statistiques.

Des exemples ? La Cimade d'Hendaye (64) en a plein ses valises. C'est ce prêtre guinéen vivant au Portugal interpellé dans le train alors qu'il revient d'une retraite au siège de sa congrégation, à Paris. Il a bien son passeport en poche mais pas la copie de son titre de séjour portugais. Rétention, expulsion.

« Gaspillage éhonté »

C'est cette Congolaise, inspectrice des douanes à Brazzaville, contrôlée par la police de l'air et des frontières lors d'un pèlerinage à Lourdes. Son visa touristique est périmé de quelques jours. Elle a beau expliquer qu'elle n'a pas l'intention de rester en France, que son vol retour est programmé en fin de semaine, rien n'y fait. Rétention, expulsion. Elle, au moins, a pu utiliser son billet retour.

« À Hendaye, c'est le quotidien, soupire Laurence Hardouin, avocate et responsable du groupe de Bayonne de la Cimade. Les interpellations ont lieu principalement à la frontière et à bord des trains. Il s'agit en grande majorité de personnes de passage en France, soit parce qu'elles se rendent dans un autre pays, soit parce qu'elles s'apprêtent à rentrer chez elles. » Elle cite le cas de touristes brésiliens arrivés en Europe via le Portugal car les tarifs aériens y sont plus avantageux. Ils ont été arrêtés à la frontière alors qu'ils rentraient prendre leur avion à Lisbonne. Bien qu'en possession de leur billet retour, la préfecture les a réexpédiés chez eux aux frais de la République. « Et c'est Rio pour tout le monde, même pour ceux qui vont à Porto Alegre ou Belém. Après, à eux de se débrouiller ! »

« On marche sur la tête, poursuit l'avocate. La politique du chiffre conduit à des situations absurdes. Alors qu'il n'est question partout que d'économies, on assiste là à un gaspillage éhonté de l'argent public. Sans même parler du plus grave, la façon dont ces gens sont traités, menottés, emprisonnés. Ils n'y comprennent rien. Pourquoi les arrêter alors qu'ils ne font que passer ou qu'ils s'en vont ? »

La chasse aux clandestins coûte cher. Un sénateur UMP, Pierre Bernard-Reymond, l'avait chiffrée à 20 970 euros par tête, en divisant tout bêtement les crédits alloués à la lutte contre l'immigration illégale (475 M?) par le nombre d'expulsions effectives.

Expulsés volontaires

Paradoxalement, plus on interpelle moins on expulse. La Cour des comptes mettait récemment en parallèle les 101 539 mesu- res d'éloignement prononcées en 2008 et les 19 724 réellement exécutées. Un ratio de 19,4 %. Dans 8 cas sur 10, le sans-papiers est remis en liberté soit par décision de justice parce que la procédure légale n'a pas été respectée, soit faute du laissez-passer consulaire délivré par les autorités du pays de retour.

Rapport qualité-prix, ou plutôt efficacité-coût, la politique d'expulsion d'Éric Besson n'est donc pas très performante. Surtout quand elle finance le retour forcé de touristes qui ne demandaient rien à personne. Et puis il y a ceux qui ont compris le coup. La Cimade d'Hendaye se souvient de ces quatre étrangers sans papiers et sans le sou qui, en 2008, se sont pointés d'eux-mêmes au commissariat. Ils ont pu ainsi rentrer chez eux sans bourse délier.

Auteur : pierre-marie lemaire (Sud-ouest)

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